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Initiative SHIp – espaces Publics Sûrs, Humains et Inclusifs
Lorsque les citymakers se lancent dans une mission de rendre les espaces publics plus sûrs, ils s’attaquent généralement au crime : Comment rendre le crime plus difficile à commettre et plus facile à détecter ? Et cela se traduit souvent par la fortification des espaces publics, le renforcement de la surveillance, voire la limitation de l’accès ou de l’utilisation de certains espaces. Au final, les espaces publics deviennent hostiles aux populations vulnérables telles que les femmes, les personnes racisées, les enfants, etc.
L’initiative SHIp est issue des travaux de recherche menés par Edna Peza sur le lien entre les espaces publics, le sentiment d’insécurité et les pratiques quotidiennes.
L’initiative SHIp est un guide introductif qui s’adresse aux citymakers -faiseurs des villes- qui souhaitent rendre les espaces publics plus sûrs, humains et inclusifs, en plaçant les groupes vulnérables au cœur de leurs démarches.
L’initiative SHIp remet en question les pratiques de planification courantes et la participation citoyenne, à savoir : le discours dominant autour de la fabrique de la ville qui se concentre à rendre les espaces publics moins criminogènes mais pas forcément moins violents.
Voici les concepts clés qui guident l’initiative SHIp:
1. Sentiment d’insécurité vs. peur du crime
La criminalité est une composante du sentiment d’insécurité des citadins. Mais ce n’est pas le seul facteur.
La violence (directe et structurelle) est au centre de ce projet.
Tous les crimes ne sont pas violents et toutes les violences ne sont pas des crimes.
Pour traiter de la sécurité dans les espaces publics et de la manière dont les citadins perçoivent ces questions, le sentiment d’insécurité est un concept plus solide que la peur du crime :
La criminalité n’est qu’un des nombreux éléments qui peuvent amener les citoyens à avoir une perception négative de leur environnement : une faible criminalité n’implique pas nécessairement une perception positive de la sécurité, encore moins pour les populations vulnérables.
La peur n’est pas la seule réaction émotionnelle qu’un individu peut avoir face à la criminalité ou à la violence – en particulier les individus appartenant à des groupes vulnérables qui sont confrontés à une violence structurelle et directe dans leur vie quotidienne dans les espaces publics.
Le sentiment d’insécurité est influencé par les caractéristiques de l’environnement, le genre, l’âge, les représentations sociales des lieux dangereux, les liens avec la communauté, l’attachement au lieu, les expériences quotidiennes, la vulnérabilité perçue, etc.
2. Intersectionalité
La victimisation est un processus dynamique influencé par le genre, l’âge, le statut socio-économique, etc. L’absence de prise en compte de phénomènes sociales -telles que le racisme, le sexisme et le classisme- a conduit les décideurs à considérer que les perceptions négatives de la sécurité sont exagérées par des individus hypersensibles.
Les groupes vulnérables ont une conscience aiguë de la violence, une conscience qui comporte plus de nuances et de détails que les statistiques criminelles.
La normalisation de la violence est un phénomène souvent ignorée dans des analyses de l’espace public. Pourtant, c’est un ressenti souvent présent chez des individus qui n’ont pas d’autre choix que d’être confronté à la violence au quotidien.
Par exemple, une personne qui n’a jamais visité un quartier « violent » peut exprimer une forte peur et une envie de l’éviter à tout prix.
En revanche, un habitant de ce quartier a une perspective plus nuancé : sans avoir trop de choix pour s’y extraire, en sachant que les autorités ne sont d’aucune aide, il pourrait dire que « ce n’est pas si grave », tout en étant conscient des situations réelles avec plus de précisions.
3. Transformations socio-spatiales pour des espaces publics plus sûrs
Ceux qui connaissent la « broken windows theory » connaissent déjà le lien entre l’aspect physique d’un espace et la sécurité. Néanmoins, rendre les espaces publics sûrs, inclusifs et humains pour les groupes vulnérables va bien au-delà du placemaking.
Pour que les actions soient durables, elles doivent résulter de processus participatifs. Il est possible qu’elles se produisent spontanément, mais il est préférable de les intégrer dans le processus. Sinon, l’impact qu’elles peuvent avoir sera de courte durée.
Cependant, les groupes vulnérables sont souvent moins enclins à participer à ces processus, parce qu’ils ont l’impression d’être ignorés. La collaboration avec les groupes informels et les autorités locales est essentielle pour instaurer la confiance, encourager la participation et obtenir des résultats durables.
Les processus participatifs mis en place doivent garantir l’inclusion et le respect. Les citymakers qui mènent ces actions doivent être sensibles aux questions d’inégalité. Les citadins doivent être impliqués depuis la collecte des données jusqu’à la production de solutions.
La connaissance empirique des citadins est essentielle pour comprendre, par exemple, pourquoi ils peuvent se sentir en sécurité dans une zone où l’incidence de la criminalité est élevée. Quant aux spécialistes, leurs connaissances et leur sensibilité sont précieuses pour « traduire » ces idées issues du vécu en actions viables.